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Absence, ab-sens...

Qu'a-t-on à écrire de plus ou de moins que les multiples qui s'amoncellent et se ressemblent toujours davantage, d'être en prise directe, sans échappatoires, à l'immonde qui nous constitue, nous rassemble, nous connecte, nous façonne, nous envisage, nous aliène et nous enlève à notre humanité ?


Nous sommes ici sur la terre en l'an de grâce 2023, à l'âge où l'homme doit advenir s'il ne veut pas rester enfant à jamais. Témoins du ratage, malades de la maladie de notre siècle, où l'ombre de Dieu se profile dans le Zéro et le Un -éternel retour-, esclaves de la liberté, du désir qui a perdu son nom, sujets errants et démultipliés, à charge de recouvrir de notre infime majuscule l'infini qui nous a été, sinon laissé, promis. Qu'importe.


L'écriture comme nécessité, pour compenser l'échec à dire dans le faire. Pour ne pas mourir asphyxiés, s'aider de ces mots qui n'ont pas su agripper les choses du monde. On ne jouit de l'écriture et des trésors dont elle nous recouvre à nous découvrir que par la promesse hallucinée d'être un jour lu, su, vu, tenu et retenu, connu et reconnu par l'Autre. Aimés ? Peut-être. Incompris? Naturellement. Mais reconnus. L'homme d'aujourd'hui souffre de reconnaître en lui un manque de consistance. Il ne se nourrit que d'impressions et de réflexions fragiles comme sa volonté, de soupirer ce qui fait défaut, le semblant et la vanité dont se soutiennent toutes les vies pleines et absentes. Il manque d'une vitalité accrocheuse d'existants. Il ne vit pas, tourne dans les espaces confinés, enclavé dans son petit losange, régnant sur des lieux pauvres, inhabités, silencieux, ciels gris et soleils opaques d'une fenêtre voilée, il promène la marche funèbre du devenir, l'air de rien, passant gris inquiété par l'ombre qu'il répand sur la surface de son pauvre monde. Il s'épaissit de ses couches de solitude, s'en fait un manteau pour l'hiver à venir.


Cet hiver, justement, je me suis rafraîchi des embruns bretons, le sang battant dans les tempes, le visage allumé par le vent et la marche. J'ai fait bon accueil des sentiers d'herbe grasse, mousseuse et étoilée, coiffée par le souffle continu de la mer, bave d'écume, mer aux flots découpés par les lames de schiste et les affleurements granitiques, armes chtoniennes reséquant le tissu aqueux en spumes albescentes, luttes, combats, ivresses, étreintes, copulations, pénétrations, passions violentes et sans bruits, grondements du vide qui sans l'homme ressembleraient au réel terrible et silencieux, à l'écho sans écho, à la vérité dont le nom est tu.

La vie est ici l'homme qui habite le paysage, l'absorbant de son âme enveloppée par l'air, la mer, la roche, le vert et la terre, et les gris mouillés qui sont nos amis autant que les bleus et les ciels d'or - ils sont la promesse d'un abri, d'un douillet de tous les lits, fussent-ils les plus modestes, d'un aliment qui revigore, d'une caresse - la moindre, la sienne, mais caresse tout de même. S'arrêter dans un coin de verdure et contempler la paix du monde qui broute, le manteau à la fois hirsute et duveteux, d'un brun doré, aux longues cornes se recourbant dans une pointe d'ocre nacré, mémoires de la terre, faunes songes des cavernes, puissances paisibles gardiennes du secret et amies du temps qui demeure, quand l'autre s'enfuit, se précipite et s'éteint, fatigué de sa course folle. Commémorer notre fragment d'éternité et de bonheur auprès d'elles. Reprendre sa course. Entrevoir un sourire sur les lèvres d'une passante, y plonger son regard dans un battement d'existence pleine, à la fraîcheur des gouttes célestes, du soleil d'argent pâle illuminant les beaux matins d'hiver.




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